La musique au « rythme » de la pandémie

L’interview d’Agnès Clément

Un an après la “ mise sur pause ” des artistes pour cause de Covid, retour sur le chemin parcouru et regard vers l’avenir avec Agnès Clément, harpiste surdouée de 31 ans qui a remporté les prix les plus prestigieux et se partage entre une carrière internationale de soliste et un engagement avec l’Opéra royal de La Monnaie.

 

Comment pratiquez-vous votre métier aujourd’hui ?

Déjà, au sein d’un orchestre comme celui de La Monnaie, on est bien conscient d’avoir une stabilité professionnelle et financière que beaucoup d’artistes indépendants n’ont pas. À côté de cela, en tant que soliste, les quelques concerts que j’ai pu donner jusqu’à aujourd’hui (dont Mozart à La Monnaie et un récital à Gand) dépendent énormément de décisions gouvernementales… très changeantes. Ainsi, l’enregistrement récent d’un concerto de Jolivet pour la radio allemande à Stuttgart, a d’abord failli être annulé et ensuite a été maintenu avec un protocole extrêmement strict – où ous les musiciens de l’orchestre étaient testés tous les matins – ce qui fait que jusqu’au dernier jour le concert pouvait être annulé…

 

Comment l’avez-vous vécu ?

Cette épée de Damoclès, c’est quelque chose d’émotionnellement assez compliqué à gérer parce qu’on donne toute notre énergie en amont pour préparer un concert sans savoir s’il aura lieu. Travailler un concert, c’est tellement de travail qu’on a besoin de savoir qu’il va avoir lieu pour s’investir à fond. Donc, pour se stimuler, il faut revenir à l’essence du pourquoi on est musicien, c’est-à-dire revenir à l’amour de la musique. Et surtout quand le concert n’a pas eu lieu, il faut d’autant plus revenir à sa passion et aller chercher en soi-même l’inspiration que nous donnerait le public, sans quoi on perd complètement le moral.

 

Comment vous êtes-vous réinventée en cette période ?

D’abord en y réfléchissant, et par exemple, pour ce récital à Gand, totalement numérisé et sans public… et donc très particulier. Donc, je devrai tenter de créer par moi-même une bulle de chaleur, de concentration et peut-être d’imaginer les gens qui écoutent en même temps… ce qui m’a donné l’envie et l’idée de faire une publication sur Facebook pour demander les noms des gens qui écouteront le récital, pour que je sache qui sera là, comme ça le public sera dans ma tête!

 

On espère tous pouvoir retourner voir des concerts, des spectacles, du théâtre. Mais est-ce que le monde des arts de la scène sera comme avant ?

Même si la technologie permet des retransmissions ambitieuses, et que le re-recording (technique qui consiste à enregistrer des sons rajoutés à d’autres sons déjà enregistrés) sera sans doute plus et mieux exploité, rien ne remplace l’énergie d’un concert avec un public réuni dans une salle.

 

L’art comme remède à la crise ?

Oui. Pour cela il y a une solution toute simple, qui est évidente, c’est de rouvrir les salles de spectacle.

 

F.L.