Artiste en puissance, talentueuse, innovante, à l’imagination captivante, libre, drôle, touchante, débordante d’énergie, véritable compositrice urbaine, An Pierlé a déjà une longue et fructueuse carrière. Ça fait plus de vingt ans maintenant – l’album mythique Mud Stories est sorti en 1999 – qu’elle nous enchante avec sa voix qui ne laisse personne indifférent, ses disques et ses concerts à chaque fois différents et surprenants.
Après avoir signé la bande originale du film Le tout nouveau Testament qui lui a valu un Magritte, ainsi que celle de la pièce Sylvia de Fabrice Murgia au National, consacrée à la féministe américaine Sylvia Plath, l’artiste propose un concert inédit où son piano et sa voix, tour à tour grave et enjouée, collent à la clarinette basse du fidèle Koen Gisen pour oser, dixit une An Pierlé réjouie, « une célébration de nous ! ».
Le piano revient en force pour ce concert, mais il est depuis longtemps dans votre vie…
Dès que j’ai pu parler, j’ai d’abord commencé à chanter (rire, dans les deux langues nationales, – la moitié de sa famille est francophone)… Le piano, au tout début, je n’aimais pas trop… mais il fallait le faire…puis ce fut par nécessité que j’ai continué à en jouer. J’ai un rapport comme ça avec le piano…
Il y a des moments où j’abandonne en me consacrant au chant et puis il me manque et je reviens vers lui… Je replonge comme si je le redécouvrais…
En 1996, vous participez au Humo’s Rockrally…
Et non, je n’ai pas gagné ! Il y a eu justement une grande polémique sur le sujet. Je me suis fait remarquer, mais je n’ai rien gagné et pas reçu d’argent (rire) ! Mais finalement, c’est beaucoup mieux qu’il y ait eu cette polémique (rire) ! Je me souviens qu’il y avait des gens qui adoraient ma musique et d’autres moins… C’est souvent comme ça… Ma musique est très personnelle donc c’est normal qu’elle ne plaise pas à tout le monde. Mais ceux qui l’aiment, l’aiment profondément…
Trois ans plus tard, vous sortez votre premier album « Mud Stories ». Quels souvenirs en gardez-vous ?
Ce fut une grande bataille ! Au départ, je m’étais dit : « Je prends six mois pour faire mon album et tout ira bien ». Sauf qu’on voyait en moi une Tori Amos ou une Kate Bush belge et la maison de disques voulait que je fasse un répertoire écrit par d’autres compositeurs. J’étais jeune, j’avais peur de désobéir… Je suis partie à New York, j’ai rencontré des compositeurs, des producteurs, mais rien ne résonnait avec ce que j’avais en moi. J’étais têtue (rire) ! Jusqu’au jour où Koen Gisen (son mari et producteur), m’a dit cette phrase qui m’a libérée: « Tu as joué devant 7.000 personnes, si la moitié achète ton album ce sera déjà suffisant pour imposer ton style artistique ». J’ai dit à la maison de disque : « Laissez-moi faire comme ça ou libérez-moi ». Ils ont fini par accepter et, finalement j’ai vendu 35.000 albums !
Est-ce difficile d’être une femme dans le milieu de la musique ?
J’ai dû me battre. J’ai dû me détacher de l’image de poupée que l’on voulait me coller. Je me suis donc battue, j’ai eu de la chance aussi… Il faut être armée… et avoir mon compagnon Koen à mes côtés qui est parfois plus féministe que moi (rire) ! Oser demander de l’argent… Je serais bien curieuse de voir des graphiques de ce que l’on attribue aux femmes… Elles sont moins bien payées. Il faut connaître sa
juste valeur. C’est un exercice important dans la vie. Il ne faut pas se vanter, mais il faut être juste. Authentique aussi.
Authenticité, c’est quelque chose qui vous correspond en effet assez bien…
Vous savez, depuis l’époque de l’album « Helium Sunset » Koen a proposé que nous montions notre propre studio d’enregistrement. Une très bonne idée ! C’est ainsi que Koen est devenu un producteur reconnu. Mais ça nous a surtout permis de devenir indépendants. D’être moi-même… De ne plus laisser d’autres personnes avoir la mainmise sur ma musique. Je sais que la musique, c’est viscéral chez moi… Alors aujourd’hui, j’ai juste envie d’être encore plus honnête, authentique, ouverte…et plus proche de moi-même. Et du public, lors du concert, je me raconte, je nous raconte, tout en racontant comment est née telle ou telle chanson, tel projet,… Ce duo se construit essentiellement en « live ». Il est destiné à la scène. Dans dénuement qui donne beaucoup plus de place aux mots et de liberté. Chacun revient à son instrument de prédilection pour refaire le parcours à l’envers avec les morceaux qui nous tiennent à coeur… pour un voyage dans le temps qui finit vers le futur avec des nouvelles chansons.