Virginie Fortin, plus que douée!

Propos recueillis par Françoise Laeckmann

Elle est partout et sait tout faire, en français comme en anglais : humour, comédie, drame, animation, chanson… Attrapée en plein début de tournée de son nouveau one-woman show, qu’elle terminera en beauté au CCU après Genève, Nantes, Lille ou Paris, Virginie s’est posée, le temps d’un échange révélateur.

 

Propos recueillis par Françoise Laeckmann

 

Pour ceux qui ne la connaissent pas encore – l’erreur est humaine –, Virginie Fortin est québécoise, vit à Montréal et passe quelques semaines sur le Vieux Continent pour présenter son nouveau one-woman show: Mes Sentiments. Cette fan absolue, tout comme nous, des séries humoristiques québécoises comme Un gars, Une fille (l’originale !), Le coeur a ses raisons, Catherine ou La petite vie – dans laquelle son père jouait – et du très british Stewart Lee n’a jamais voulu être humoriste. C’est drôle.

 

Comment se retrouve-t-on humoriste sans l’avoir voulu ?

C’est vrai, petite, c’était le métier de comédienne qui m’intéressait. À 16 ans, j’ai obtenu un rôle dans un théâtre d’été. Mon père jouait… mon père. Ensuite, ça été la ronde des auditions pour les écoles de théâtre. J’ai été refusée partout, mais il n’y a pas eu de drame. Je m’éclatais le soir sur les patinoires de l’impro et je bûchais le jour à l’université. Après, juste pour voir, je me suis inscrite au Second City de Chicago et Toronto (creuset des plus grands humoristes américains et La Mecque du standup comique). Et j’ai trouvé ça très cool…

 

Parce que l’improvisation n’était plus suffisant pour nourrir votre quête d’adrénaline ?

C’est ça, il fallait que je me trouve une drogue encore plus dure (rires). Non, mais vraiment, je suis toujours en recherche de défis, en quête de terreurs. Et j’aime surprendre. Et me surprendre. Et, pourquoi pas, choquer ! (rires). Comme en 2015, dans le vidéoclip Gun Bless America, qui fait évidemment référence au titre de l’hymne patriotique God Bless America, j’y dénonce l’industrie des armes à feu, omniprésentes chez nos voisins américains (NDLR : où Virginie Fortin chante notamment, ironique : « J’ai besoin d’une arme, au cas où quelqu’un en aurait une. Tu as besoin d’un flingue, parce que j’en ai toujours un dans mon sac. »). J’aime ça : réfléchir sur des enjeux de société tout en me permettant une petite blague niaiseuse sur le côté. C’est conséquent avec ce que je veux faire en humour.

 

S’il faut se fier au communiqué accompagnant Mes sentiments, son contenu serait plus personnel que celui de son prédécesseur et « pétri d’irrésistibles questionnements existentiels », d’un esprit critique et aussi un brin rebelle ?

Ça aussi, comme le titre, c’est un peu une blague. Si je choisis de dire qu’il s’agit d’un spectacle plus personnel, c’est surtout parce que je sais trop bien que l’on ne parle constamment que de soi, même malgré soi. J’ai toujours une pudeur par rapport à ça, même si ces nobles scrupules s’arriment mal avec mon choix de carrière (rire). Je trouve que c’est insipide de juste parler de soi. Sauf que, si tout va bien, les gens vont se reconnaître non pas dans l’anecdote de ce que je raconte mais dans les sentiments que ça évoque. À la manière de ces vieux romans russes, un peu existentialistes, qui ne cessent d’émouvoir, 150 ans après leur parution. Lorsque je parle de nostalgie et de mon enfance – quand on « jouait à travailler » –, on se reconnaît dans ces observations presque philosophiques. Et puis, ce n’est rien de neuf pour moi : à 5 ans je me demandais déjà comment se fait-il qu’on existe. Je n’ai pas beaucoup changé. (rire)

 

Engagée, Virginie Fortin ?

L’étiquette continue de me coller à la peau, donc je précise : je ne suis pas engagée, je suis juste abasourdie . Je suis profondément féministe, autant qu’on puisse l’être, mais je ne l’ai pas toujours été. Autrefois, je pensais qu’on était tous égaux et simplement différents. Puis, je me suis rendu compte qu’il y a des schémas sociaux qui sont profondément injustes et ridicules…

 

Un exemple ?

Je suis agacée que des gens disent : « Ah oui, les femmes humoristes qui traitent de thèmes féminins comme les menstruations, la grossesse…» J’ai entendu au moins dix humoristes masculins parler de leurs couilles et de leur calvitie. Pourquoi, ça c’est universel ? Les menstruations et la maternité sont à l’origine de tous les êtres humains. S’agit-il vraiment de sujets féminins ? Alors, moi, je ne veux pas être engagée ou militante, ce sont les autres qui me forcent à l’être.

 

Que faudrait-il répondre à son enfant lorsqu’il nous soumettra LA question : « Pourquoi on existe ? »

Qu’on existe pour avoir le plus de fun possible.

Ou l’amener voir un spectacle de Virginie Fortin. L’occasion d’apprécier son panache et son charisme uniques.