“Marche Salope”: la performance, sensible puissance pour rompre le silence

“Marche Salope”: la performance, sensible puissance pour rompre le silence. Céline Chariot signe “Marche Salope”, mise au point aussi documentée qu’onirique sur le viol. Spectacle et sujet de haute importance, au Festival de Liège.

 

Elle entre sur le plateau nu et noir, s’avance, s’asseoit face au public resté dans la lumière. Nous la regardons, elle nous regarde.

 

Pendant toute la durée de Marche Salope, Céline Chariot ne prononcera pas un mot. Ce sont pourtant les siens qu’on entend, dits par d’autres voix qu’elle a choisies. Le processus est énoncé d’emblée – par Julie Remacle – dans ces intenses minutes où se dévoile le sujet. “Je vais vous parler du viol.”

 

Se taire mais affirmer sa présence et porter un propos : voilà comment l’artiste liégeoise – photographe, elle livre au Festival de Liège sa première création scénique – met l’accent sur l’implacable silence qui, aujourd’hui encore, pèse sur les victimes. Qui les enferme parfois malgré elles, dans ce réflexe de survie qu’est l’amnésie traumatique.

 

C’est en épousant les notes de C’est normal, la rengaine d’Areski et Brigitte Fontaine, que d’autres voix, celles des comédiennes Anja Tillberg et Anne-Marie Loop, expliqueront ce phénomène, chiffres et statistiques à l’appui.

 

Le regard et l’écoute. La fantaisie et la rigueur. Ces principes sous-tendent la pièce que Céline Chariot a longuement mûrie, au fil de résidences, du Théâtre des Doms au Festival de Liège, où une étape de Marche Salope, déjà très aboutie, était présentée en septembre dans la section Factory.

 

L’œil de la plasticienne

Mis en scène en étroite collaboration avec Jean-Baptiste Szezot, le spectacle brille par l’équilibre – subtil et permanent – que la jeune femme cultive entre faits objectifs et objet esthétique. Son œil de plasticienne n’y est pas étranger, qui compose des tableaux comme elle cadre ses photos : avec acuité, humilité, et à l’écoute des personnalités alentour sans gommer la sienne.

 

Intitulé en référence aux Slutwalks, manifestations féministes nées à Toronto après les propos d’un policier stigmatisant la victime d’un viol, Marche Salope ne raconte pas l’histoire de son autrice mais l’utilise. N’a pas de vertu thérapeutique mais s’appuie sur ses goûts, se nourrit de ses recherches. Pour assener des vérités et entraîner le public à la fois dans la nécessité d’aborder ces questions, et vers une forme d’espoir.

 

“Agir par le sensible contre la violence” : l’intention annoncée par Céline Chariot atteint son but, dans une forme inédite de poésie visuelle et sonore, documentée et nécessaire.

 

Marie BaudetJournaliste Culture | Scènes

Publié le 17-02-2022 à 11h29