Surnommé, au choix, “ le caméléon ”, “ l’homme caoutchouc ”, “ le marsupilami ”… le Belge Christian Hecq, comédien, metteur en scène et 525ème sociétaire de la Comédie-Française, est un drôle d’hurluberlu dans le monde du théâtre et du cinéma.
Son spectacle “ La Mouche ”, mis en scène avec Valérie Lesort à partir d’une nouvelle de George Langelaan a été récompensé par trois Molières.
Rencontre.
Connu surtout pour ses rôles comiques (dont celui de l’excellent Camille Bouzin dans Un fil à la patte de Feydeau, mis en scène par Jérôme Deschamps, et qui lui valut le Molière du meilleur comédien en 2011), Christian Hecq excelle dans les mimiques déjantées et la gestuelle clownesque. Au cinéma, Christian Hecq tourne sous les directions de Jaco Van Dormaël dans Le Huitième Jour, Albert Dupontel dans 9 mois ferme, Danièle Thompson dans Cézanne et moi, Loraine Lévy dans Knock, Jamel Debbouze dans Pourquoi j’ai pas mangé mon père. À la télévision, il joue entre autres dans La Parure de Claude Chabrol, Crimes en série par Patrick Dewolf et Engrenages.
Dans la Mouche, c’est une étrange créature qui occupe la caverne fantasmagorique de la scène. Elle est accrochée en l’air, pattes déployées, mais elle a la tête de Christian Hecq. C’est bien lui, le sociétaire de la Comédie-Française, célèbre pour son jeu acrobatique et hyperexpressif, qui est suspendu là, comme un insecte longeant le mur qui barre la scène.
Avec un acteur pareil, aucun risque à se laisser téléporter jusqu’au Centre culturel d’Uccle.
Vous racontez être arrivé au théâtre par le corps. Comment ?
J’ai fait une incursion dans le monde du cirque avec un numéro de clown, Achille et Léonie, présenté au cirque Bouglione-Romanès en 1996. Je me suis également initié à l’art de la manipulation des marionnettes avec le grand metteur en scène et marionnettiste Philippe Genty, et aujourd’hui je continue à les utiliser dans mes spectacles. La marionnette peut faire des choses que le comédien ne peut pas faire, c’est en fait une prolongation d’expressivité physique pour l’acteur. Et en réalité, comme Pierre Richard, j’aurais aimé être un acteur de cinéma muet. (…) L’amour des mots est venu pour moi plus tard, à la Comédie Française, au départ, j’étais un “ bougeur ”, pas un parleur.
Depuis quelques années, le caméléon que vous êtes est également metteur en scène
En 2015, on a mis en scène une version avec marionnettes de “ 20 000 lieues sous les mers ” de Jules Verne à la Comédie-Française, qui a reçu le Molière de la création visuelle. On a continué sur notre lancée en s’essayant à la mise en scène d’opéra à l’Opéra-Comique. Aujourd’hui, entre nombres détours par le cinéma, je reviens au théâtre, avec notre mise en scène de La Mouche, librement adaptée de la nouvelle de George Langelaan qui avait déjà donné lieu au célèbre film de David Cronenberg. Avec Valérie, on y tient par ailleurs les deux rôles principaux.
Dans cette recréation jubilatoire de La Mouche qui mélange allègrement comédie, polar et science-fiction dans un univers un peu sombre, un peu punk, vous jouez ce vieux garçon vivant avec sa mère qui travaille nuit et jour pour mettre au point un appareil de télé transportation. La suite, évidemment, promet moult complications… et impressionnantes transformations. Une performance de plus pour vous !
Ce qui nous amusait, c’était l’histoire du savant fou, inventeur de la téléportation moléculaire, et qui se retrouve hybridé avec une mouche. On est toujours attirés par le fantastique, par l’imaginaire qu’il libère, mais au théâtre, on a aussi besoin d’une épaisseur humaine. Passionnés par les expériences de marionnette hybride, on a donc rêvé d’un homme-mouche évoluant sur le mur, avec les mouvements de pattes et de tête si particuliers à cet animal. Et pour ce faire, le système, totalement inédit au théâtre, consiste à m’accrocher, lesté d’un harnais de 12 kg, sur un circuit électrique, où je suis téléguidé par des manipulateurs cachés derrière le mur.
Autant dire une performance !
Oui, en tandem avec mon épouse Valérie Lesort qui est comédienne, plasticienne et également marionnettiste (et à qui il est arrivé de concevoir des décors, maquillages et effets spéciaux pour le cinéma – Le Cinquième Élément, de Luc Besson, notamment), en même temps qu’on écrivait, on faisait des essais dans le salon, je me mettais à quatre pattes, on faisait des effets de déformation. En étudiant les mouvements graciles de l’insecte, imaginant de petits bruits suggestifs, contrôlant et animant chaque millimètre de mon corps… On a travaillé tout ça de front.
Heureux de revenir jouer en Belgique ?
Vous n’imaginez pas à quel point !
Françoise Laeckmann