Hakim Bouacha crée “Genesis” : amour, douleur, pouvoir et autres histoires.
Hakim dans un état proche de l’Ohio, dans la scénographie-écrin de Zouzou Leyens, sous les lumières d’Olivier Arnoldy. ©Dominique Houcmant | Goldo
Seul sur ce plateau, il va raconter : son histoire mais d’autres aussi, glanées en Tunisie et au Maroc. L’homophobie endurée dans l’enfance et l’adolescence. Les brimades, les violences, la culture du silence : encaisser, ne rien laisser paraître. “Mais c’est quoi cette vie de merde?! Je suis gaucher. Je suis pédé. Je suis arabe. Je suis de Roubaix. Putain, j’ai tous les défauts du monde !”

L’émancipation progressive, ensuite, quand le jeune homme, à 17 ans, tombe amoureux. Son installation à Lille, toute proche mais si différente de sa voisine. Le monde de la nuit, ses codes, sa faune, plus blanche, plus mûre parfois. Mais toujours empreinte des rapports de domination, de la masculinité imbue de pouvoir dont la menace rôdait déjà sur son enfance.
“Le mensonge a été mon art de combat”, explique Hakim lorsqu’il dépeint son cadre familial. Le Hakim qui, plus tard, hantera les clubs en observant leur population et en guettant la perle rare sera, lui, consterné par la dissonance entre son idéal romantique et les mains aux fesses. “Je m’étais tellement gavé de poèmes du XIXe siècle… et là on était très loin d’Alfred de Musset et d’Emily Brontë…”
Ultra-conscience et pure présence

L’articulation du récit – mode majoritaire – et du jeu théâtral qui s’y immisce est dosée avec soin. Grâce notamment à un encadrement juste : Zouzou Leyens à la scénographie et à la dramaturgie, Joey Elmaleh à l’accompagnement à la mise en scène, Laura Bachman au mouvement, sans oublier le coaching de Sarah Brahy et le regard extérieur de Jacqueline Bollen.
L’ensemble laisse le champ libre à la sincérité. Celle qui fait dire à l’auteur-acteur, au sortir de la première, cette alchimie étrange : confier son histoire à des personnes inconnues pour la plupart, et les va-et-vient de cette “ultra-conscience” avec sa pure présence scénique.
Celle-ci, tout fébrile que soit l’enjeu d’une si intime création, ne s’en trouvera jamais éclipsée. Tant l’artiste a réussi à faire matière de cette colère clairvoyante qui l’habite.