“On retombe amoureux tous les soirs”

L’interview de Tania Garbarski et Charlie Dupont 

Ensemble à la vie comme à la scène, le couple reprend à Bruxelles et en Wallonie l’irrésistible pièce « Les émotifs anonymes », inspirée du film avec Benoît Poelvoorde. Une bouffée d’émotion pure.

 

Quel sentiment éprouvez-vous de revenir sur scène après le psychodrame vécu par la culture fin 2021 ?

Tania Garbarski : Pour nous, c’est un peu spécial, parce qu’à ce moment-là, on jouait à Nice. Je suis très fière de ce soulèvement de la culture. J’ai l’impression que ça a ouvert une brèche, qu’il n’est plus question de se laisser faire. J’ai senti que même des gens hors du secteur culturel nous soutenaient. Ça m’a touchée.

 

Charlie Dupont : On a soutenu le mouvement via Instagram. C’était bien le moins. C’est génial que ce soit né en Belgique, un Etat né grâce à « La muette de Portici ». Voir à quel point la culture, chatouillée une fois de trop, a pu secouer ce gouvernement, c’est génial.

 

Aujourd’hui, vous faites le tour de la Wallonie et de Bruxelles avec « Les émotifs anonymes », la pièce adaptée de leur film par Philippe Blasband et Jean-Pierre Améris.

Charlie : Au théâtre, par essence, on se met à nu, mais là c’est encore plus vrai, car on parle de surémotivité, une vraie maladie. C’est une difficulté à canaliser tout ce qui se passe dans la tête, de sorte que les personnages sont dans un état de bouillonnement permanent.

 

Tania : Comme l’était Jean-Pierre Améris dans la vie, jusqu’à ce qu’il suive une thérapie. Je ne savais pas qu’existaient réellement ces réunions d’Emotifs Anonymes, dans les mêmes salles que les AA. Je pensais que c’était inventé. C’est en travaillant avec lui que je me suis rendu compte que c’était vrai. Et depuis, on a reçu énormément de témoignages de gens qui s’identifient aux personnages. Il y a plein d’hyperémotifs qui s’ignorent.

 

Charlie : C’est une comédie romantique, racontant juste une rencontre amoureuse normale, mais grossie à la loupe de l’hyperémotivité, qui permet la comédie. On est tous un peu hyperémotifs au début d’une histoire d’amour.

 

Benoît Poelvoorde, qui jouait dans le film, on voit à quel point c’est un hyperémotif. C’est le cas d’un peu tous les comédiens ?

Tania : C’est étrange parce que je n’avais pas mis des mots sur ce que je vivais, mais Jean-Pierre Améris lui-même m’a dit, à la première lecture de la pièce : « Tu es au courant que tu fais partie du club? » Il l’avait décelé tout de suite. Depuis, je m’explique mieux pourquoi je me sens plus à l’aise sur scène que dans la vie. Jouer, c’est une façon de se cacher.

 

Charlie : C’est Brel qui disait qu’un acteur, c’est quelqu’un qui a besoin de 500 personnes pour dire une chose qu’il n’arrive pas à dire à une seule. Je crois que c’est vrai pour tous les acteurs. En tout cas, ça l’est pour moi.

 

Vous jouez souvent ensemble. C’est le plus beau lieu pour un rendez-vous amoureux.

Tania : C’est un beau rendez-vous d’amoureux, c’est vrai. C’était un pari au début. Jouer en couple, ce n’est pas gagné d’avance, mais pour nous, ça a été une découverte. On le recommande à tous les couples ! On retombe amoureux chaque soir, on se remarie… C’est très bon pour la santé du couple de jouer ensemble.

 

Propos receuillis par JEAN-JACQUES LECOCQ pour Ciné Télé Revue