Elle avait tout pour être heureuse: une Kangoo et un Thermomix avec toutes les options. Alors quoi ? Inconstance, spectacle seule en scène de Constance, soulève le capot de ce «Alors quoi?»
Trois ans après sa disparition des plateaux, Constance revient avec Inconstance, un seule-en-scène aussi hilarant que bouleversant. L’humoriste y raconte sa chute, son burn-out, son passage en hôpital psychiatrique et ce diagnostic qu’elle porte aujourd’hui sans détour: la bipolarité. Une
traversée de la maladie mentale servie avec son humour acidulé et une sincérité désarmante. «J’ai longtemps cru que j’étais invincible. Jusqu’à ce que tout éclate autour et à l’intérieur de moi. J’ai dû réapprendre à vivre. Heureusement, ma fidèle plume et mon petit esprit facétieux ne m’ont
jamais quittée.»
Avant d’être l’une des voix féminines les plus singulières de l’humour français, Constance Pittard – son vrai nom – a trimé. «Le théâtre, j’en fais depuis l’âge de 8 ans et je n’ai jamais arrêté. J’ai toujours su que c’est ce que je voulais faire, et j’ai toujours fait ce que j’avais envie de faire. L’humoriste revendique par ailleurs une filiation inattendue: «Enfant, j’ai découvert Jacqueline
Maillan chez ma grand-mère. Quel tempérament! Quelle diction! Le boulevard, c’est comme le café-théâtre: ce n’est pas prétentieux, c’est plein d’espoir.»
L’humour comme arme de survie
Chez Constance, l’humour devient vite une arme de survie, un révélateur de vérité. «C’est de l’audace, de la liberté. Et ça fait souvent plus pour les femmes que beaucoup de discours bien-pensants. J’ai commencé dans des théâtres de quinze places. Ma tante me cousait mes costumes. À chaque fois qu’on m’a sortie par la porte, je suis rentrée par la fenêtre! »
Elle tente ensuite le concours du Conservatoire National Supérieur d’Art dramatique auquel elle n’est pas reçue. «Le théâtre était d’une prétention folle. J’ai échoué au conservatoire de Paris. J’ai pensé: “Ils ne se rendent pas compte de l’erreur qu’ils viennent de faire.»
Pas de quoi la décourager. Elle multiplie les petits rôles et écume les cafés-théâtres parisiens avant
d’être repérée à la télévision dans On ne demande qu’à en rire, de Laurent Ruquier, puis sur France
Inter, chez notre compatriote Charline Vanhoenacker. Depuis, elle a enchaîné les spectacles:
Je suis une princesse, Bordel!, Les mères de famille se cachent pour mourir, Partouze sentimentale… Et aujourd’hui, InConstance.
Chuter, rebondir, témoigner
Tout a basculé un soir de représentation: un trou de mémoire, puis le vide.
«Je pensais m’en être sortie, mais j’ai replongé. J’ai fini à l’hôpital psy. Et là , on m’a enfin dit ce que j’avais: je suis bipolaire.» De cette épreuve, elle a tiré InConstance, spectacle autobiographique sous forme d’élan vital à la fois intime et universel. «InConstance, c’est ma traversée de la maladie mentale, de l’effondrement à la renaissance. Je voulais témoigner, briser le silence et lever les préjugés autour des pathologies psychiques pour offrir un message d’espoir à ceux qui souffrent – et ouvrir les yeux aux autres. J’ai la chance d’évoluer dans le milieu artistique, où une certaine excentricité est tolérée, voire valorisée. Mais imaginez un employé de banque ayant séjourné en hôpital psychiatrique : l’impossibilité de révéler cette expérience après avoir surmonté sa maladie constitue une injustice flagrante. Après avoir vu InConstance, beaucoup de gens me disent qu’ils
ont changé de regard sur la maladie mentale. Si j’ai pu ouvrir une fenêtre dans leur tête, c’est gagné.»
Sur scène, Constance incarne et croque à merveille une galerie de personnages: les soignant(e)s, les psys, les copines, les autres patients. «Même quand je parle de mes tentatives de suicide ou de mes séances d’aquagym avec frite en mousse et prof qui s’exclame “Excellent! » quoi qu’il arrive, je choisis de rire. Parce que c’est ma manière de tenir debout.»
Et si les rires fusent, les larmes ne sont jamais loin.
«Je voulais qu’on ressente l’humain. Qu’on comprenne qu’être faillible, ce n’est pas être faible.»