Comme chaque hiver, la Comédie de Bruxelles réchauffe la période des fêtes avec un vaudeville douillet comme un pull de Noël (doublé cette fois d’un bermuda).
C’est devenu une tradition, au même titre que le calendrier de l ’Avent, le sapin dans le salon, le vin chaud ou les spéculoos : la pièce de fin d’année de la Comédie de Bruxelles accompagne chaque hiver les festivités. Comme les pulls de Noël, ces spectacles, mis en scène par Daniel Hanssens, nous font passer cette période festive bien au chaud et ne manquent jamais de nous arracher des sourires. Ces pièces, c’est du pur réconfort ! Non pas 100 % laine, mais 100 % humour.
Pourtant, cette année, Daniel Hanssens a choisi un vaudeville qui vous emmène à mille lieues de l’ambiance de Noël. Ecrit par Jean Dell et Gérald Sibleyras, Le béret de la tortue vous dépose en plein été près d’une plage qu’on imagine méditerranéenne, dans une villa baignée de soleil. C’est dans cette maison de rê ve que trois couples s’ apprêtent à cohabiter pour les vacances. Et là , vous pensez: barbecue, apéro, farniente. Sauf qu’ avec ce tte bandelà , ça vire à une autre forme de trinité : tensions, hypocrisies et séjour pourri.
C’est simple : au début, tout le monde essaie d ’être sympa. L e g enre d ’ambiance où chac un dit : « Ah mais non, moi ça me fait plaisir ! », alors que les yeux crient « libérez-moi de cet enfer en
bermuda ». La chambre des Machin est plus gr ande que la piaule des Bidule ? « Ce n ’est rien, voyons », susurrent les Bidule tout en maudissant ces sales profiteurs de Machin. Voir la cohabita tion de ces trois couples par tir en vrille s’avère d’autant plus jouissif que le dispositif scénographique nous permet de voir en par allèle les trois chambres où chacun se re tranche pour dé verser son fiel sur les autres. Bref, ce n’est plus « sous le soleil des tropiiiiiques » qui résonne
sous les pins, mais « sous le soleil des piques », à mesure que ces v acanciers au bord de la crise de ner fs se balancent toutes sortes de scuds.
Comme un jet-ski
Ceux qui sont déjà partis en vacances en mode « auberge espagnole » se reconnaîtront forcément dans ce huis clos parodique qui finit en carnage social. Il y a le sempiternel chef scout qui impose un programme militaire de visites touristiques, avec musée du napperon inclus. Il y a la râleuse passiveagressive qui fait le compte fréné tique des dépenses de chacun et oblige les enfants à g ober les yaourts périmés. Il y a bien sûr ceux qui sont allergiques au conf lit e t ceux qui, au contraire, aiment je ter de l’huile sur le feu. Entre les mesquineries des uns et la mauvaise foi des autres, les scènes filent comme un jetski sur une mer d’huile.
La distribution (Pierre Pigeolet, Christel Pédrinelli, Michel Hinderyckx, Daniel Hanssens, Catherine Claeys, Joséphine de Renesse) trouve rapidement son rythme e t se complè te comme les différentes couches d’un Pim ’s, biscuit qui devient par ailleurs l’objet d’un running gag. Au final, on en ressort requinqué et reboosté à la vitamine D . Ce qui n’est pas du luxe en ces courtes journées
d’hiver. D’ ailleurs, pour continuer de faire le plein de lumière e t de chaleur, Daniel Hanssens réitère son « Théâtre du coeur » : chaque 2 4 décembre, le metteur en scène e t sa compagnie offrent un spec tacle aux personnes isolées. Pour les gens qui ont faim, il existe « Les Restos du coeur ». Pour ceux qui aimeraient ne pas rester seuls, la Comédie de Bruxelles propose donc ce « Théâtre du coeur » qui collabore avec les CPAS d’Ixelles, Saint-Gilles, Forest, Watermael-Boitsfort ou Molenbeek pour atteindre les personnes précarisées qui pourraient être concernées. Chapeau (voire même « béret ») l’artiste !

