Abdel Rahman El Bacha, une présence musicale pure

Propos receuillis par Françoise Laeckmann

Si l’on sait bien depuis sa victoire – à 19 ans – au concours Reine Elisabeth, en 1978, que le  francolibanais Abdel Rahman El Bacha est un géant actuel du clavier, capable de se déchaîner dans Prokofiev qui lui vaudra le Prix Charles Cros pour son premier enregistrement, on sait moins que rien dans la vie ne semble susceptible de le faire sortir de ses gonds. Seule la musique l’habite au point de le distraire, lui qui n’a jamais pu conduire, ni même apprendre à faire du vélo. Alors, venez zen et ouvrez grand les oreilles et le coeur pour un concert exceptionnel !

 

Converser avec Abdel Rahman El Bacha est un moment extraordinaire, tant l’homme dégage une humanité, une droiture souriante et une spiritualité rares.


Entré dans la mémoire collective et dans le coeur des Belges lors de l’éclatante révélation de son talent au Concours Reine Elisabeth en 1978, qu’il remporte à l’unanimité, ce pianiste d’exception fut un enfant génial qui trouvait en son instrument son interlocuteur préféré. loin de s’être éteint au fil des ans, a gagné en épaisseur et en radiance. Rencontre.

 

Comment êtes-vous venu à la musique ?
Très naturellement, puisque tout petit je baignais déjà dans un climat musical. Mon père était un compositeur connu, un musicien universel et le premier compositeur à avoir osé mélanger les  instruments orientaux à l’orchestre occidental. Ma mère, qui avait un sens inné de la musique, interprétait des chansons traditionnelles et populaires, sans jamais avoir su déchiffrer une partition. À 3 ou 4 ans, je fredonnais les airs que composait mon père. À 9 ans, j’ai commencé à étudier sérieusement le piano. En découvrant la musique classique, je me suis pris de passion pour Mozart, Beethoven, Chopin, Schumann. À 15 ans j’ai donné mon premier récital à l’Assembly Hall de l’Université américaine de Beyrouth. Les ambassadeurs d’URSS et de France, qui étaient présents, m’ont offert des bourses d’études. J’ai choisi la France par affinité culturelle.


Lors de la soirée, vous interprèterez, entre autres, Beethoven, l’un des piliers de votre répertoire avec Chopin et Prokofiev. Qu’est-ce qui vous attire dans sa musique ?
Sur le plan musical, ses idées mélodiques me touchent. Je me sens aussi comblé sur le plan harmonique : il y a des modulations parfois très audacieuses qui ouvrent l’esprit comme une révélation divine. Il y a une vue sur le monde de la part d’un être exceptionnel. Une grande souffrance, énormément de tendresse, des silences. Une vision d’un homme éprouvé, qui questionne le monde et la vie, console et donne de la force. Cette musique se présente aussi comme un combat pour la justice, la générosité, l’amour universel…
« Il n’y a pas de péché dans la musique de Beethoven », disait mon professeur au Conservatoire de Paris, Pierre Sancan. C’est le coeur qui s’adresse au coeur. On ne peut que rêver d’une telle musique, c’est un cadeau inestimable…

 

Un programme et un trio parfaits
Projecteur sur deux des plus grands compositeurs allemands invités de la soirée : Beethoven et  Schumann. Dernier grand représentant du classicisme viennois, Beethoven prépare l’évolution vers la période romantique, incarnée parfaitement par Schumann à travers ses oeuvres.


Le programme s’ouvrira sur l’interprétation du Trio avec piano, n° 4 op. 11 – “Gassenhauer” de Ludwig van Beethoven. Cette oeuvre vivante et pétillante, évoque une légèreté presque ludique avec ses thèmes populaires et son rythme entraînant, tout en reflétant l’ingéniosité et la profondeur du compositeur.


La seconde partie du concert sera consacrée à l’oeuvre de Robert Schumann, l’un des maîtres incontestés du romantisme. Ses Trois Romances, op. 94, sont des bijoux de délicatesse, où l’âme romantique se déploie avec profondeur et émotion. Enfin, les 6 études sous forme canonique,
 op. 56, explorent des textures contrapuntiques d’une rare pureté, révélant l’héritage de Jean-Sébastien Bach sublimé par l’intensité émotionnelle de Schumann.


Ce concert réunit trois musiciens d’exception dont la maîtrise et la sensibilité promettent une
interprétation remarquable de ce répertoire exigeant et poétique : Abdel Rahman El Bacha au
piano, Luk Nielandt au hautbois – soliste hautbois du Théâtre Royal de la Monnaie et professeur
de hautbois au Conservatoire Royal d’Anvers et Justus Grimm au violoncelle, premiers prix du
Concours international de musique Maria Canals et du Concours national d’Allemagne, il se produit
régulièrement avec l’Orchestre de chambre d’Angleterre, l’Orchestre symphonique de la Monnaie,
l’Orchestre de chambre de Londres, l’Orchestre philharmonique du Brandebourg et la Klassische
Philharmonie de Bonn.