Depuis quatre ans, Inno JP fait tourner son spectacle True Story, et transforme son vécu en rires universels. Pas de nombrilisme : il croque le monde avec ironie et affection, transforme l’absurde en espoir, passe de la moquerie à l’empathie. À Monaco, il chahute les yachts, à Wavre il taquine un chantier, il pointe l’accent de Liège. « Ils captent l’image, s’identifient et rient, ! » sourit-il.
Dans le Brabant Wallon, il chambre les chiens chics et tacle la frontière linguistique qu’il a vu se dresser : entre l’Avenue de la Reine et la Koninginnelaan, un facteur pour les numéros pairs, un autre pour les impairs, des arrêts de bus TEC en face des bus De Lijn. D’un côté ça regardait RTL et de l’autre VT4. Des voisins, littéralement, mais ne vivant pas dans le même pays.
La BW Connection
Aujourd’hui, Inno JP voit dans le BW un état d’esprit transportable, comme une franchise proxy Delhaize : un ensemble de codes, un langage, une esthétique. « Tu peux vivre à Lasnes, bosser à Woluwe, partir à Val Tho en hiver et au Zoute en été, visiter ta belle-famille à Uccle et aller chez ton dentiste à Kraainem sans avoir l’impression de vraiment quitter ton quartier. » Les endroits sont séparés mais les gens, les maisons et les codes sont les mêmes, estime l’humoriste qui va jusqu’à imaginer une théorie du complot à sa sauce : dans toutes les sphères influentes de la société – finances, médias, culture, politique, patronat – on retrouve des gens du BW. « Si tu as grandi dans la province il n’y aura jamais plus d’un degré de séparation entre toi et ton N+1. » Enfant, élevé dans une famille marginalisée, alors qu’il était son seul ami noir à l’école de Wavre, le cul entre mille chaises, il a dompté les codes du BW pour s’intégrer et lisser les différences jusqu’à parler le cerveau blanc. « On est ce qu’on fait de ce qui nous est arrivé ! »
Porté par l’élection d’Obama, il rêvait d’être « Eddie Murphy et Mère Teresa ». Aujourd’hui, face à un monde anxiogène, il mise sur un humour réparateur, « un outil d’empathie. » Il étale ses failles et fait du rire une caresse, parle de cicatrices, pas de blessures. Ses mots disent cette sensation de différence : « Quand je perçois dans le regard de l’autre qu’il ne me voit pas comme j’aimerais qu’il me voie. »
Inno JP prouve qu’on peut être drôle sans méchanceté. Derrière celui qui se moque de tout le monde, il y a celui qui veut juste être une bonne personne. Au-delà de celui qui fait rire, il y a celui qui s’est fissuré de l’intérieur, « on finit par passer à côté de soi ». Une halte en 2024, et il repart, sur d’autres bases : « Les amis, la famille, la sensualité : la sérénité. »