« Espèces menacées » : la comédie sonnante (et pas trébuchante) des fêtes ***

Par Catherine Makereel (Le Soir – 3/12/2024)

Daniel Hanssens revient avec sa traditionnelle farce de fin d’année. Cette fois, c’est Ray Cooney qui régale avec une comédie où l’argent ne fait pas le bonheur … ce qui comble les rieurs.

 

En anglais, le titre du vaudeville de Ray Cooney est encore plus parlant : Funny money, que l’on pourrait traduire par « drôle d’argent. » En français, le titre est devenu Espèces menacées, histoire d’annoncer que cette histoire d’argent sale va faire peser quelques dangers sur celles et ceux qui le manipulent même si, au fond, tout le monde repart les poches pleines, non pas pleines de pèze mais de bonne humeur, de rires et de plaisir.

 

C’est l’histoire d’un comptable sans histoires qui, le jour de son anniversaire, se retrouve, par hasard, en possession d’une mallette remplie de billets. Sur le chemin de retour du travail, il a accidentellement confondu sa serviette professionnelle (qui contenait de la paperasse, son portefeuille et un sandwich gruyère tomates inachevé) avec une serviette en cuir similaire que trimballait un inconnu dans le RER. Yvon découvre bien vite que dans cette mallette-là reposent plus de sept millions d’euros. Devinant tout de suite qu’il s’agit d’argent sale et donc intraçable, il décide de ne rien dire à la police. N’est-ce pas là l’occasion rêvée de se refaire une nouvelle vie ailleurs ? En rentrant chez lui, il décide de convaincre sa femme de prendre le premier avion pour l’Argentine où ils pourront se la couler douce.

 

Maelstrom de quiproquos

Sauf que son épouse ne l’entend pas de cette oreille. Elle vient de cuisiner un gigot pour le couple d’amis qui doit venir célébrer l’anniversaire d’Yvon chez eux ce soir-là et n’a, par ailleurs, aucune envie d’abandonner sa petite vie tranquille et son chat Peluche. Marie n’est pas la seule à faire obstruction aux plans délirants d’Yvon. Bientôt retentit la sonnette de la porte, et c’est le début d’intrusions successives qui vont emporter les personnages dans un maelstrom de mensonges et de malentendus. S’enfuir incognito ne va pas être si aisé finalement. Orfèvre de la comédie, Daniel Hanssens trouve le tempo juste pour déployer cet écheveau de quiproquos de plus en plus inextricables à un rythme crescendo mais sans jamais que la situation ne devienne complètement hystérique.

 

Si trouver l’argent fut facile, le garder va s’avérer franchement plus compliqué. Malgré un sang froid à toute épreuve, Yvon (remarquable Daniel Hanssens) doit gérer les frasques de son épouse (survoltée Catherine Claeys) qui noie sa panique dans l’alcool, mais il doit aussi faire face à l’arrivée d’un flic ripoux (suave Frédéric Nyssen) qui a repéré le petit manège du comptable et veut sa part du butin, d’un chauffeur de taxi irascible (truculent Michel Hinderyckx) qui roule sur tout ce qui bouge, ou encore d’un commissaire de police très tatillon (irrésistible Didier Colfs) qui devient le dindon en chef de cette farce.

 

Et puis, il y a aussi le couple d’amis (impayables Christel Pedrinelli et Pierre Pigeolet) qui se retrouve embarqué dans ce micmac pyramidal où l’identité des uns et des autres se retrouve copieusement mélangée, intervertie, inventée, redistribuée. Tout cela s’épaissit comme on monte des blancs en neige jusqu’à culminer dans un final explosif tandis que débarque un gangster russe (Laurent Denayer, bien amoché) décidé à récupérer son dû. Dans cette mécanique classique mais drôlement frénétique, tous s’allient pour faire de cette soirée un chaos jubilatoire sur fond de meurtre, chantage, barons de la drogue et chassés croisés sportifs. Résultat : avec Espèces menacées, vous en avez pour votre argent.

 

Du 17 au 31/12 au Centre culturel d’Uccle.