Félix Vannoorenberghe

Propos recueillis par Françoise Laeckmann

Par une chaude après-midi, dans un village du sud de l’Italie, une jeune fille marche d’un pas décidé vers une destination fatale. Munie d’un pistolet Smith et Wesson, elle crée la confusion et l’inquiétude autour d’elle. On entend une voix s’élever au milieu de la foule qui commence à s’agglutiner: Maria? Maria! Mais qu’est-ce que tu fais bon sang? Maria, tu es folle! Maria, elle, n’entend pas, pour elle plus rien ne compte, mis à part avancer, avancer, avancer…

 

Créé en mai 2023, La Sœur de Jésus-Christ a résonné comme une claque dans le paysage théâtral. Sur scène, deux protagonistes, le jeune comédien Félix Vannoorenberghe et Florence Sauveur, une musicienne, compositrice, tantôt chanteuse, tantôt violoncelliste, tantôt pianiste, tantôt accordéoniste. Même si La Sœur de Jésus-Christ est décrit comme un western moderne, le duo n’ira pas vers cette facilité-là. Non… Il va aller beaucoup plus loin.


On pourrait écouter pendant des heures Félix Vannoorenberghe qui incarne tous les personnages
de la pièce et leur insuffle une puissance et une énergie telles que l’on a du mal à imaginer cette œuvre interprétée par quelqu’un d’autre. Rencontre avec le comédien de théâtre, de cinéma (Lola vers la mer), de télé (les séries Coyotes et Hippocrate).


On dit que rarement un spectacle a autant fait vibrer et transporté tant l’émotion sur le plateau est intense, follement sincère, juste, sans fausse note. Du texte aux lumières, en passant par la scénographie, les costumes, l’accompagnement musical, sonore et vidéo, Georges Lini a su créer une alchimie parfaite!

«C’est en effet difficile de pas faire l’éloge de l’intelligence de la scénographie, digne des techniques du Caravage, qui permet d’ajouter une couleur différente et une variation supplémentaire à chaque histoire, à chaque personnage et que l’on doit à Charly Kleinermann et Thibaut De Coster. La mise en scène est signée Georges Lini que je pratique depuis mes premières planches et qui est mon mentor. Ici, sa sensibilité et son talent, une fois de plus, subjuguent. Il faut s’incliner devant l’évidence : il a une âme capable d’atteindre des foules. Sans parler de la lumière de Jérôme Dejean et des créations vidéo de Sébastien Fernandez, qui propulsent le public dans la rage et la riposte. Sun Tzu et son art de la guerre ponctuent la progression vengeresse de Maria: «Attaque ton ennemi quand il n’est pas préparé, apparais quand tu n’es pas attendu. » C’est orchestré avec intelligence, perspicacité, sensibilité, pudeur, colère, dans un enchevêtrement de tons dosés avec une précision diabolique ! Les violences sexistes et sexuelles n’y sont pas amoindries, mais mises dans un cadre moins lourd. Celui de la vie de tous les jours, qui passe par des moments graves, des moments mélos ou des moments comiques.»


Une des grandes questions que pose la pièce est sans doute: quelle justice recherche Maria? La vengeance pure et simple? La violence contre la violence? Ou une autre manière de continuer à avancer après avoir vécu l’innommable?
«Tout à fait, et en réalité, La Sœur de Jésus-Christ – dont l’auteur du texte, Oscar de Summa, nous offre une prose poétique magnifique et percutante – est la deuxième partie d’une trilogie de Georges Lini: Il y a eu Iphigénie à Splott, puis La Sœur de Jésus-Christ, et enfin Queen Kong. Ces trois textes constituent ce que le metteur en scène appelle sa trilogie des Antigone, son triptyque des femmes en colère. Et c’est parce que la coupe est pleine de cette misogynie permanente, décomplexée et considérée comme normale – Normales, les plaisanteries graveleuses. Normales, les mains aux fesses. Normal, le harcèlement. Normale, la violence conjugale. Normal, le viol – que  Maria s’exprime au nom de toutes les femmes. Et tant pis s’il y en a que cela dérange. Hommes ou femmes, d’ailleurs. Parce que tout le monde est Maria, tout le monde est son père, sa mère, son ex, son crush, sa pote, sa prof et personne ne veut qu’une chose pareille arrive à une proche. Maria estime l’heure du jugement venue et elle ne fait confiance ni à la justice des hommes ni à celle de  Dieu. Alors, finira-t-elle par appuyer sur la gâchette ? Je vous laisse le découvrir! »

 

Partez à la rencontre de Maria, la sœur de Jésus-Christ. Laissez-vous kidnapper, happer et percuter par cette pièce.