Je ne serais pas arrivée là, si je n’avais pas arrêté le chant lyrique pour jouer

L’interview de Julie Gayet

Par Stéphanie Bocart – Publié le 09-10-2021 sur lalibre.be

 

Nommé en 2019, le nouveau directeur du centre culturel d’Uccle, Tristan Bourbouze, vient de lancer sa première “vraie” saison. Il l’a voulue dense et éclectique (théâtre, cirque, musique, humour…). Avec des spectacles belges, mais aussi étrangers, tels que “Je ne serais pas arrivée là, si…” d’Annick Cojean, avec Judith Henry et Julie Gayet. À voir ce lundi.

 

De passage à Bruxelles pour promouvoir la pièce Je ne serais pas arrivée là, si – à découvrir ce lundi à 20 h au Centre culturel d’Uccle -, l’actrice et réalisatrice française Julie Gayet, attablée dans la salle d’interview, déballe avec soin le sachet de la gaufre de Liège qu’on vient de lui apporter. “J’ai quitté tôt Paris ce matin avec un café pour seul petit-déjeuner”, s’excuse-t-elle, tout en savourant le moelleux encas perlé de sucre. Elle se met alors à raconter : “C’est ma camarade, la comédienne Judith Henry, qui est venue me chercher pour ce projet. Comme je me suis engagée auprès de la Fondation des femmes en France et que les sujets de réflexion sur la place des femmes dans la société sont importants pour moi, j’ai été sensible à ce projet”.

 

Ce projet, c’est la transposition sur scène d’une dizaine de portraits de femmes tirés de l’ouvrage Je ne serais pas arrivée là, si… (Éd. Grasset et Fasquelle) d’Annick Cojean, grand reporter au Monde. Gisèle Halimi, Françoise Héritier, Virginie Despentes, Christiane Taubira, Nina Bouraoui… Depuis de nombreuses années, Annick Cojean consacre dans Le Monde des entretiens à des femmes inspirantes (artistes, femmes de lettres, femmes politiques, etc.), en partant d’une seule et même question : “Je ne serais pas arrivée là, si…”, fenêtre ouverte sur leurs confessions, leur parcours, leur intimité, leur place dans la société, leur rapport aux hommes, etc.

 

“Annick Cojean et Judith Henry avaient déjà fait une lecture de ces portraits pour un festival il y a des années, reprend Julie Gayet. Judith trouvait assez impressionnant l’écho qu’il y avait entre toutes ces femmes simplement du fait d’être femme. Et elle a eu envie de reprendre cette expérience, en choisissant quelques portraits. C’est comme cela qu’elle est venue me voir.”

 

Les deux comédiennes font alors un essai dans un festival, Paroles citoyennes. Et “ça a été incroyable ! se souvient Julie Gayet. J’ai eu exactement la même révélation que Judith de l’importance d’entendre ces parcours de femmes, leur intimité qui dévoile des choses universelles que l’on ressent toutes.”

 

Une conversation

Particularité du spectacle, “on n’interprète pas, on ne grime pas, on n’est pas debout, on ne joue pas à être quelqu’un d’autre”, souligne la comédienne. Davantage qu’une lecture, Je ne serais pas arrivée là, si… s’écoute comme une conversation où, tour à tour, Judith Henry et Julie Gayet prennent la voix de l’intervieweuse (Annick Cojean) et des interviewées. “Ça donne à voir et à écouter comme on pourrait raconter des portraits de femmes au coin du feu”, résume Julie Gayet.

 

Si elle se sent investie d’une responsabilité en se glissant dans les mots, puissants, de ces femmes qu’elle admire, Julie Gayet se considère “simplement comme un instrument qui fait résonner leurs pensées”. D’ailleurs, “je n’ai pas voulu les rencontrer, poursuit-elle. Parfois, je ne les connaissais pas, à l’image de Nina Bouraoui (romancière française, NdlR), que j’ai découverte et qui est très juste et universelle”. “Toutes ces femmes m’ont touchée, mais j’ai été beaucoup touchée par Amélie Nothomb, confie-t-elle, car ce qu’elle ose dire est très fort. Elle se révèle vraiment. Ce principe d’interview demande une introspection. Or, ce n’est pas facile de se livrer et de ne pas avoir peur de dire les choses.”

 

“Il faudrait deux heures de discussion”

D’ailleurs que répondrait-elle si on lui posait la question ? “Oh ! Je dirais : ‘Je ne serais pas arrivée là, si je n’avais pas arrêté le chant lyrique pour jouer’. Mais, en fait, je ne serais pas arrivée là non plus si je n’avais pas rencontré Agnès Varda et je ne serais pas là, maintenant, si Judith Henry ne m’avait pas donné ce rôle. Il faudrait deux heures de discussion pour arriver à définir, de manière sincère, la raison pour laquelle je ne serais pas arrivée là, si…”

 

À savoir:

Les comédiennes Judith Henry et Julie Gayet se saisissent des paroles de femmes inspirantes (Christiane Taubira, Amélie Nothomb, Virginie Despentes…) interviewées par Annick Cojean, grand reporter au Monde. Je ne serais pas arrivée là, si… s’écoute comme une conversation, donnant vie à des mots universels.