Bigre / Pierre Guillois

Propos recueillis par Françoise Laeckmann

Il était une fois trois petites chambres de bonnes haut perchées sous les toits de Paris. Et trois voisins de palier : un gros homme, un grand maigre et une blonde pulpeuse. L’histoire serait joliment  romantique si ces trois hurluberlus n’avaient comme particularité de tout rater. Absolument TOUT. Les catastrophes s’enchaînent, les gags pleuvent, le public hurle de rire tandis que ces trois fantoches s’accrochent à tout ce qui ressemble à l’amour, à la vie ou à l’espoir… Bigre !

 

Après avoir reçu des milliers d’applaudissements un peu partout, fait plus de 450 dates, 120 villes et 160 000 spectateurs, cette success story, auréolée d’un Molière de la comédie en 2017 s’installe à Uccle pour quatre représentations. C’est que Pierre Guillois (qui fut l’assistant de Grumberg et Ribes), avec ses mises en scène populaires et surprenantes, donne libre cours à une imagination débordante pour un résultat toujours déconcertant. Rencontre avec le metteur en scène givré de cette folie burlesque déjà culte.


Et Bigre est devenu une machine de guerre du rire !

 

Comment vous est venu l’idée folle de créer Bigre ?
« J’avais déjà mis en scène quelques séquences muettes dans mes pièces, je rêvais depuis longtemps de faire un spectacle intégralement joué corporellement. C’était d’autant plus un défi que ce n’est pas dans la culture du théâtre français, davantage porté sur le texte, la tragédie. Moi, j’ai  choisi de raconter des tragédies mais de façon drôle, avec des questions métaphysiques et politiques qui racontent le monde, les rapports humains, nos espoirs aussi. Heureusement, notre  grande force, a été non seulement de pouvoir compter sur des acteurs créatifs, un décor  fantastique, mais aussi sur notre travail sur l’humain. Je me suis inspiré de vraies personnes.  Comme mon ancien voisin du dessus, un geek qui vit dans une chambre intégralement peinte en blanc, impeccable et pleine de gadgets. Il avait installé une petite piscine sur le toit. Un jour, elle a  disparu ! »

 

Peut-on décrire Bigre comme « la vie urbaine en plein dérapage sur un mode boulevard muet » ?
« Complètement ! Sans paroles, mais à l’environnement sonore très riche, très travaillé, assuré par la radio et la télévision, un marteau-piqueur intempestif, les mimiques irrésistibles du trio de comédiens et des morceaux eighties diffusés à pleins tubes, comme Walk like an Egyptian, des Bangles… Le tout dans une maison de poupée au décor fantastique, coupée en deux, et dont le public peut admirer les entrailles. Pour obtenir une certaine qualité de rire et l’empathie du public, on a développé un langage qui réconcilie tout le monde, façon univers humoristique anglosaxon à la Mister Bean, Tex Avery ou Charlie Chaplin…


On vous met au défi de ne pas chanter à tue-tête Happy Together en sortant !


Et un style très radical ! Tout comme vos personnages, lorsqu’il s’agit de mettre les objets  encombrants dans le vide-ordures, ou de faire la peau d’un pauvre lapin élevé dans un garde-manger…

 

« Oui, Bigre est une vraie mécanique du rire, qui repose ici sur une situation que l’on a pratiquement tous connu : celle du jeune étudiant sans le sou qui a expérimenté les chambres de bonne – NDLR : le kot des bruxellois – aussi étroites qu’un mouchoir de poche et les toilettes communes. Partant de ce canevas quotidien, j’ai imaginé cette déconnade urbaine sous les toits en
compagnie de trois âmes solitaires, pas très bien dans leur pas mais auxquels on s’attache. Entre la chambre d’un blanc clinique aseptisée et truffée de domotique du geek, le bric-à-brac en mode récup’ du grand maigre, la déco rose et girly de la blonde qui vient d’emménager à côté de ces célibataires solitaires. Les cloisons étant minces, ces univers vont bien sûr se rencontrer, provoquant des gags visuels et de situations en cascades. »


Offrant à l’occasion de nombreuses scènes burlesques inoubliables…
« En effet, le spectacle regorge de folles trouvailles, entre Jonathan Pinto-Rocha, maître du karaoké, capable de chanter La valse à mille temps, de Jacques Brel, en japonais et en hébreu avec un Choco Prince dans la bouche et Eléonore Auzou-Connes, irrésistible dans la scène
de la soupe à la perruque. La pièce fait voler les soutien-gorge, exploser les chemises, changer le poisson rouge de couleur ! Jusqu’à la scène explosive de fin, dont je ne vous dirais rien, tant elle
est inattendue… »


Ps : ne perdez pas une minute et filez réserver tant qu’il reste des places…


Les interprètes sur la photo ne sont pas ceux, tout aussi talentueux, qui interprèteront la pièce au CCU.