Les Chatouilles

Propos recueillis par Françoise Laeckmann

Il est des spectacles qui marquent une décennie. Les Chatouilles en fait partie. Plébiscité depuis dix ans, cette Danse de la colère débarque enfin à Uccle.

 

Avec Les Chatouilles, la comédienne et réalisatrice Andréa Bescond a provoqué un véritable séisme en racontant l’histoire d’Odette, une petite fille dont l’enfance est brisées par un « ami de la famille ». Guerrière dans l’âme, écorchée vive mais relax et généreuse, souvent drôle, Andréa Bescond évoque cette colère qui ne la quitte pas. Et, surtout, sa furieuse envie de vivre.

 

Dans ce spectacle, vous abordez un thème sensible, celui de l’enfance volée pour ne pas dire violée. Quel est le déclic qui vous a fait passer des maux aux mots ?
Je suis danseuse à la base et j’avais déjà évoqué ce sujet il y a une dizaine d’années dans une
chorégraphie intitulée Petit conte de faits. Et puis ma rencontre avec Éric Métayer, dans une comédie musicale en 2008, m’a propulsée sur les planches. Mais c’est à la faveur d’une pause forcée, de ma grossesse pour tout dire, que ce récit s’est imposé à moi. Très vite, après les premières réactions du public et de la presse, je me suis aperçue que d’autres avaient vécu la même chose. Je n’avais pas du tout conscience à quel point la pédocriminalité et l’inceste touchaient des millions de gens. Jamais de la vie j’aurais pensé ça.


La galerie de personnages que vous interprétez dans Les Chatouilles sont hauts en couleurs, voire terriblement cruels comme la mère ou le policier qui prend la déposition. Grossissez-vous le trait ou existent-ils vraiment ?

Tout ce que je dis ou décris, je l’ai lu, vécu ou entendu. Je n’invente rien. D’ailleurs, les  psychanalystes qui viennent voir le spectacle me disent que c’est criant de vérité ! Mais je ne condamne personne, chacun de nous est dans sa propre vérité. La mère, en adoptant cette attitude distanciée, se protège. Si elle s’avoue qu’en réalité elle a tout vu et rien fait, elle s’écroule comme
un château de cartes.

 

Cette danse de la colère s’apparentet-elle à une forme de thérapie ?
Certainement, même si j’ai bossé des centaines d’heures pour arriver là où j’en suis grâce à
l’instinct d’Éric Métayer qui croyait en moi. Il est la bonne étoile qui a changé ma vie ! Plein de
gens de talents n’ont pas cette chance. Les outils artistiques me permettent de transformer ma
fureur en quelque chose de beau. Aujourd’hui la reconnaissance du public est une revanche sur la vie. Surtout, toutes ces victimes qui viennent me dire merci et que le spectacle les aide énormément, c’est du baume au coeur sur une plaie qui ne se referme jamais totalement.


Ce qui est beau aussi, c’est cette fin sur la résilience qui donne de l’espoir.
Cette fin fait écho à toutes les douleurs ou frustrations que chacun peut ressentir. Le besoin d’exister nécessite de passer au-dessus de tout. On avance avec son sac de linge sale et
il faut s’en servir. Se charger d’ondes positives et aller de l’avant ! Et surtout, surtout, constater à quel point la force des victimes de violence grandit ! Il y a dix ans, il n’y avait pas ce feu, cette
énergie dans le public !